Dans « Diablo II », l’étonnante transition spontanée du troc à la monnaie


Forums de discussion, forfaits Internet limités, modems 56 K… Quand Pierre se plonge dans les souvenirs de ses parties de Diablo II (2000), le trentenaire a l’impression de revenir à la préhistoire du jeu vidéo en ligne. Il est en classe de troisième quand il s’immerge dans le monde médiéval fantastique de Sanctuaire et est immédiatement séduit : avec ses combats intenses, son univers brumeux à explorer avec d’autres joueurs et l’ampleur des possibilités offertes pour développer ses sept personnages différents, le jeu du studio Blizzard North redéfinit, alors, les contours du jeu de rôle et d’action.

Le phénomène était aussi commercial. Diablo II s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires en près de deux semaines, un record pour un titre sur PC à l’époque. Mais derrière le triomphe, une faiblesse : Pierre ne peut que constater les lacunes de son économie virtuelle. « C’était hyperarchaïque, il n’y avait pas d’outil facile pour faire des échanges [d’équipements] et réaliser de bonnes transactions. »

L’absence d’une monnaie valable y freine toute opération. L’or glané durant les parties ne vaut presque rien, puisqu’on en trouve à l’infini, dans les poches de vagues d’ennemis toujours renouvelés. Alors, quand ils veulent revendre ou acheter une arme rare ou un plastron rutilant, les joueurs en sont réduits au troc.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Armures trop chères, marché noir et économie féodale : quand l’inflation frappe les mondes virtuels

Le rêve du jackpot

« Débutants, on a tous déjà échangé un objet extrêmement bon contre un autre qui valait des cacahouètes », s’amuse Clément, alias Kanon, vidéaste sur Twitch et ancien modérateur sur les forums du site Jeuxonline.info. « Quand on est des centaines de milliers à vouloir échanger, le troc n’est pas une solution réaliste », estime-t-il.

Difficile, pourtant, de faire sans. Dans Diablo II, le but du jeu est de s’équiper toujours mieux pour affronter des ennemis toujours plus forts. Or, les pièces d’équipements que l’on récupère sur les dépouilles des ennemis sont générées de façon aléatoire, comme dans une loterie. Cette robe de magicienne ou ce bâton de sorcier seront peut-être inutiles à votre barbare musculeux, mais il y a fort à parier qu’un joueur misant davantage sur ses pouvoirs magiques pourra vous en proposer un bon prix. Pierre se souvient :

« Quand j’ai commencé à vouloir optimiser mes personnages, j’ai regardé sur Internet des suggestions d’équipements. Il y en a qui nécessitaient des objets rarissimes que je n’avais jamais “lootés” [récupérés] malgré des dizaines et des dizaines d’heures. C’est là que j’ai compris qu’il fallait justement que d’autres me les fournissent. »

Il vous reste 73.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source
Catégorie article Politique

Ajouter un commentaire

Commentaires

Aucun commentaire n'a été posté pour l'instant.